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Le 11 avril dernier, l'Orchestre classique de Montréal présentait l'excellent concert Kaléidoscope, à la Salle Pierre-Mercure. La salle était remplie d'admirateurs de l'OCM, mais aussi de plusieurs personnes provenant des minorités culturelles, à qui on avait offert gracieusement des billets, afin qu'ils puissent eux aussi profiter de la culture.
Ce concert, d'une durée de quelque 100 minutes, était divisé en 3 parties bien distinctes, ce qui permettait à chacun de vivre des émotions différentes, pour chacune des parties... d'où le nom « Kaléidoscope ».
Le concert ouvrait sur le monde amérindien, avec des créations de la compositrice anichinabée, Barbara Assiginaak. Ce fut pour moi une très belle découverte. Quel plaisir de se retrouver, tout à coup, en pleine forêt, avec les sons de la nature! Le Concerto pour pipigwan (flûte anichinabée) et orchestre à cordes, nommé « Gwekaanmaat », d'une durée de 21 minutes, appelle les oiseaux et les autres animaux de la forêt qui lui répondent d'abord doucement, puis de plus en plus fort... Barbara Assiginaak, la flûtiste pipigwan, est une virtuose de cet instrument. Les sons étonnants, ronds et profonds rappellent étrangement le chant des oiseaux, qui appellent leurs frères au petit matin... Les autres animaux, dans la forêt endormie, leur répondent par de petits cris timides d'assentiment... La famille sylvestre est unie et solidaire. Le premier mouvement, nommé « Bagamwek'om » se traduit par « Les oiseaux du tonnerre arrivent »... et c'est bien l'effet que cela nous faisait... Quel talent que de pouvoir transposer en musique les sons de la forêt, comme si nous y étions! Le second mouvement, traduit de l'anichinabée par « La femme du vent sud invoque toutes les créatures de la terre pour qu'elles se réveillent » est beaucoup plus vigoureux et tonique. Il semble que les animaux de La Fontaine nous parlent vraiment! Puis, « La femme de vent l'ouest en deuil » , plus mélancolique et lancinant, nous fait vivre la tristesse du deuil. Enfin, « La femme de vent nord retourne encore », clôt d'agréable manière la Concerto pour pipigwan, finement dirigé par Maestro Nurhan Arman.
La seconde partie présente une musique d'une couleur tout à fait différente, avec le « Concerto pour violons et cordes » du jeune compositeur contemporain Robert Rival (né en 1975) et dirigé par Maestro Nurhan Arman. Cette musique résolument moderne nous amène sur des terres totalement inconnues. Ici, par moments, les musiciens frappent doucement leurs instruments de leurs archets ou ils pianotent de la main sur ces derniers. Les couleurs sont fortes, éclectiques, surprenantes, rompant définitivement avec la musique classique des siècles précédents. La musique moderne a réellement trouvé sa voie, autonome, riche et plurielle. Le violoniste solo, Marc Djokic, qui performe tout au long de la pièce, force l'admiration par son talent et sa virtuosité. Son jeu, d'une grande sensibilité, attire tous les regards. Il brille, par sa seule présence, sur la scène.
Après l'entracte, la troisième partie rompt elle aussi avec le ton des deux autres. Ici, place au chant! L'excellent chef d'orchestre Adam Johnson mènera cette partie de façon décontractée et professionnelle. Une atmosphère de cabaret s'installe sur la scène et dans la salle. Les illustres chansons de Michel Legrand nous amènent au cœur du siècle dernier avec des titres tels « Les moulins de mon coeur », « Retour en java », « Paris violon » et « Comme elle est longue à mourir », etc. Il y avait aussi plusieurs chansons en anglais - ce qui me plaisait moins - car je vois en Michel Legrand un chanteur très francophone et francophile, dont l'oeuvre témoignait de la France, avant tout. De même, la chanteuse soprano qui les interprétait, Sharon Azrieli, bien que bonne chanteuse, n'était pas, à mon avis, la personne indiquée pour traduire l'émotion suscitée par les chansons de Legrand. S'exprimant davantage en anglais, et de façon très laborieuse en français, son style gitane « samba » collait difficilement à la chanson française à texte.
Même si j'ai été déçue par cette dernière partie que j'attendais avec impatience, nous avons quand même passé une très belle soirée.