Du 12 septembre au 15 octobre, le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) présente Courville, une pièce à un seul personnage, Simon (Olivier Normand), intéragissant avec plusieurs marionnettes grandeur nature, mues par les 3 excellents marionnettistes Wellesley Robertson III, Caroline Tanguay et Martin Vaillancourt, dans une écriture, conception et mise en scène de Robert Lepage.

C'était une proposition hautement aventurière et risquée que de proposer, à des spectateurs chevronnés, une pièce de près de 2 heures, avec seulement 1 personnage et des marionnettes de grande taille! Mais rien n'est à l'épreuve du grand dramaturge et de sa compagnie Ex-Machina, qui en ont vu d'autres! Et le public a répondu « Présent! » lors de cette Première.

Face au défi de faire jouer de vrais adolescents pour rendre toute la complexité des sentiments et des événements vécus à l'adolescence, Robert Lepage s'est tourné vers une nouvelle forme de théâtre, le Buraku, mettant en scène des marionnettes grandeur nature. Il utilise ici pour la première fois cette technique, issue du théâtre classique japonais du XVII ème siècle. Chacune des marionnettes est manipulée par trois marionnettistes aguerris, qui, en plus de suivre une formation, doivent la pratiquer pendant plusieurs années, afin d'atteindre un haut niveau de coordination. Ce sont donc ici trois marionnettistes tout vêtus de noir, qui activent sous nos yeux les marionnettes, pendant qu'Olivier Normand dit le texte. Défi relevé d'une main de maître!

Au premier coup d'oeil, on croirait voir un véritable être humain, tellement ces marionnettes sont bien construites. Et les poses que leur font prendre les marionnettistes sont tout aussi vraisemblables! A ma grande surprise, on arrive quand même à très bien suivre le déroulement de l'histoire, sans être trop déroutés par la technique employée. Durant les quelque deux heures que dure le spectacle, on est happés par l'histoire racontée et on ne s'ennuie pas du tout. Robert Lepage a utilisé, comme toujours, d'immenses moyens techniques pour servir son propos. Ç'en est vraiment stupéfiant! Les décors sont montés, tractés, redescendus, au fil des scènes. La coordination de tous ces éléments force le respect.

L'histoire

L'histoire se déroule au milieu des années 1970, à l'aube de la première élection du Parti québécois, et au beau milieu de la guerre froide entre l'Occident et les pays communistes. Le dramaturge a voulu raconter la vie de cette époque, au Québec, à travers les yeux d'un adolescent, Simon, 15 ans. Ce dernier vit avec sa mère, dans un bungalow d'une petite ville en banlieue de Québec, Courville. L'adolescent passe beaucoup de temps sur les roches plates des chutes Montmorency, avec ses amis. Son père vient de mourir, et sa mère a loué une chambre de la maison à son amant, l'oncle de Simon. Toutes les facettes de la vie de l'adolescent sont abordées : ses premiers émois amoureux et sexuels, son environnement social et scolaire, sa relation houleuse avec sa mère et son oncle libidineux, ses amitiés, sa détresse, sa quête d'identité, sa confrontation avec la mort, etc. A travers toute l'histoire de Simon, Lepage a aussi intercalé des films et photos d'archives, où on voit René Lévesque et toute sa magnifique équipe de l'époque faire un discours de campagne électorale. La nostalgie s'est certainement alors emparée d'une bonne partie des spectateurs ...

La pièce, ainsi agréablement rehaussée par tous les moyens techniques hautement sophistiqués d'Ex-Machina, joints aux films et photos d'archives, nous plonge de façon presque réelle dans l'univers des années 70 au Québec. Bien entendu, rien, à mon sens, ne pourra remplacer le jeu de vrais acteurs, mais tous les éléments utilisés et la mise en scène réglée au quart de tour, font de cette pièce un vrai diamant brut.

Crédit photos : Yves Renaud

A voir au TNM jusqu'au 15 octobre 2023. Des supplémentaires ont déjà été ajoutées.

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