Le Diable rouge: un conte historique… et contemporain

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Quelles leçons l’humanité tire-t-elle de l’histoire? La question reste en suspens à la sortie de l’excellente pièce Le Diable rouge, à l’affiche actuellement au Théâtre Jean Duceppe. L’histoire met en scène le cardinal Mazarin qui règne en 1658 sur le royaume de France à coups de manigances et de combines politiques au cœur desquelles se trouvent le Dauphin Louis XIV, dont il est à la fois parrain et tuteur. Ces manœuvres, ourdies à la faveur d’un mariage entre le futur roi et l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse, vise la signature d’un traité de paix et la fin d’une guerre franco-espagnole vieille de 23 ans.

Campée au 17e siècle, l’œuvre d’Antoine Rault a un écho des plus contemporains. Les nombreuses références de Mazarin et de son trésorier Jean-Baptiste Colbert à la faillite du royaume ou à la dette de l’État ne sont pas sans rappeler les crises budgétaires de nos jours, et les mesures européennes d’austérité qui grèvent le bien-être des populations. Le texte de Brault et la résonance de ses propos sont criants d’actualité.

Au-delà de la pertinence des dialogues, la pièce offre des prestations d’acteurs justes et une mise en scène puissante de Serge Denoncourt. La scénographie permet des jeux de poursuites, de catimini et de faux-fuyants qui sont autant d’analogies aux coulisses politiques et tractations diplomatiques. Michel Dumont se pose en tant qu’incontournable du théâtre québécois, après avoir brûlé les planches du théâtre Duceppe dans des rôles aussi complexes qu’Ernest Hemingway et Henri II Plantagenêt. Dumont donne la réplique cette fois à Monique Miller, plus grande que nature dans le rôle de la régente Anne d’Autriche.

Le Diable rouge pose l’humain devant ses contradictions, l’incompatibilité de ses désirs et la dissonance cognitive des choix irréconciliables. Jusqu’où doit-on se rendre au nom du bien collectif? Comment, pour Louis XIV, choisir entre la fin d’une guerre fratricide et le véritable amour? Au cœur de ce déchirement se trouve Marie Mancini, une Italienne ingénue incarnée par Magalie Lépine-Blondeau, qui s’impose comme une des meilleures actrices de sa génération.

À voir, chez Duceppe jusqu’au 18 mai.

Le Diable Rouge
d’Antoine Rault
mise en scène de Serge Denoncourt
Du 10 avril au 18 mai 2013
http://duceppe.com/piece/le-diable-rouge

Texte de Étienne V. Langlois