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Je suis une native de l’Abitibi-Témiscamingue, et je le répète fièrement à chaque occasion qui se présente. Même si je suis à Montréal depuis quelques années déjà, j’ai toujours un sentiment de fierté à chaque fois que je découvre une réalisation « de par chez nous ».
Parce que oui, il existe un cinéma témiscabitibien, abitibien, et témiscamien également. Il existe depuis longtemps, mais il n’est pas qu'une vieille histoire, il est actuel aussi.
Vous avez sûrement entendu parler de La chasse au Godard d’Abbittibbi d’Éric Morin? Le film a pris l’affiche dans nos salles au début du mois de novembre. Le film met en vedette la belle Sophie Desmarais (Sarah préfère la course), Alexandre Castonguay (La rage de l’ange) et Martin Dubreuil (10 1/2).
Oui, le cinéaste Godard est allé en Abitibi-Témiscamingue à Rouyn-Noranda dans les années 60. Le film s’inspire de son passage pour aborder un sujet plus large : l’exil des jeunes en région vers les grands centres. C’est également le premier long métrage de la boite Parce Que Films. La presse écrite a tout de suite adopté le film, qualifiant même le réalisateur Éric Morin de chef de fil d’une nouvelle vague de cinéastes abitibiens! On a aussi qualifié le film d’ovni (dans le bon sens du terme bien sûr). Il s'agit définitivement d'un film qui se démarque à plein de niveaux.
Ou peut-être avez-vous aussi entendu parler du film Alex marche à l’amour de Dominic Leclerc? Le film documentaire était présenté dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal, et la présentation à laquelle j’ai assisté a fait salle comble! Documentaire à la formule intimiste et délirante, on suit Alexandre Castonguay alors qu’il parcourt les routes de l’Abitibi tel un pèlerin. La démarche est inspirée du poème de Gaston Miron La marche à l’amour dont Alexandre tente d’en apprendre le contenu par cœur, avec l’aide des rencontres sur son chemin.
Après la projection dans le cadre des RIDM, Alexandre Castonguay souligne que le poème, dont il tente d’interpréter toutes les subtilités, a été écrit par Miron peu de temps après son passage à Rouyn-Noranda, en Abitibi. Un hasard? Pas pour lui, il y voit une claire connotation à la région dans le poème de Miron.
Gaston Miron, Jean-Luc Godard, et même Mohammed Ali (Voir Ali, 2011) sont passés en région. Et ces évènements servent encore d’inspiration pour les artistes abitibiens. Comme pour dire : Voilà, nous existons et nous avons aussi notre histoire, nos problèmes et surtout une parole!
Bien sûr, il y a Richard Desjardins, ce poète, musicien, militant, cinéaste. Comment oublier le cinéaste Gilles Carle? Il a grandi à Rouyn-Noranda. Le Festival de cinéma international de l’Abitibi-Témiscamingue soulignait d’ailleurs son travail cette année avec une exposition (qui est encore en cours jusqu’au 8 décembre)… et comment ignorer le FCIAT ? Fondé par Jacques Matte il y a maintenant plus d’une trentaine d’années, on peut dire que la culture a sa place en région. Pierre Perrault, cinéaste ethnologue, s’est intéressé aux régions éloignées dont l’Abitibi-Témiscamingue avec ses documentaires : Gens d’Abitibi (1980), Un royaume vous attends (1975) et Le retour à la terre (1976). Vous ne connaissez pas Hauris Lalancette? Quel homme!
Mais ce que je veux souligner, c'est le cinéma abitibien actuel. Il existe et il est moderne. La région tire son inspiration de ses racines, parce que son histoire n’est pas connue. Elle en a long à dire, et parlera encore. Je dis « région » parce que n’importe qui d’ailleurs comprendra alors la fierté de parler du cinéma de chez eux où chaque histoire lui procure une fierté et l’envie de partager avec ses proches, une idée de ce qu’est sa terre d’origine.