La tour de Babel technologique selon Eboy

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Le trio d'artistes berlinois Eboy fait un travail remarquable qui se situe entre la bande dessinée et les arts visuels classiques (leur travaux font d'ailleurs l'objet d'expositions en galerie).

Le courant dans lequel ils s'inscrivent est le Pixel Art, très en vogue parmi les amateurs d'informatique (nostalgiques du bon vieux temps où les Atari et Amiga avaient une mémoire de 16K!)

Chacune de leurs oeuvres met en vedette une multitude de personnages et contient une trame narrative assez éclatée. Pas de bulles ou de dialogues cependant – si ce n'est parfois dans un genre d'alphabet imaginaire ressemblant au Klingon.

Les deux thèmes de prédilection de Eboy sont les panoramas urbains (cityscapes) et la technologie.

Bien que d'allure enfantine, ces oeuvres font preuve d'un humour parfois assez critique et dépeignent très bien les particularités de notre époque. Que ce soit à Londres, Tokyo ou New York, les petits personnages pixelisés – qui ressemblent à des figurines Playmobil – s'adonnent à la surconsommation et évoluent dans un monde surchargé d'informations.

Der Babelturm

L'oeuvre présentée ci-dessus montre la tour de Babel des formats numériques qui est en train d'être échafaudée en ce début de XXIe siècle. Représentant un chantier moderne (où l'on voit même les sempiternelles toilettes chimiques), elle s'inspire cependant de l'oeuvre peinte en 1563 par Pieter Bruegel l'Ancien.

Mais le propos le plus important ici – la véritable critique sociale – a trait aux multiples affiches publicitaires érigées un peu partout. Alors que l'on nous vend la technologie comme une porte vers plus de liberté, les fabricants se livrent en réalité à une véritable guerre de formats et ne se soucient nullement de l'interopérabilité de leurs produits.

Quiconque a essayé de glisser des fichiers .mp3 directement dans un iPod, sans passer par le logiciel propriétaire iTunes, sait exactement ce dont il s'agit. Quiconque utilise des appareils Sony (caméras, ordinateurs portables) sait que les cartes mémoires de cette compagnie ne sont pas un standard reconnu partout, et ainsi de suite...

En définitive, si Toshiba et les studios DreamWorks ont perdu une bataille récemment et se résignent à abandonner leur format HD-DVD au profit du concurrent Blu Ray, les véritables victimes – comme dans toute guerre d'ailleurs – en sont avant tout les civils (qui ont dû débourser des sommes faramineuses pour acheter de l'équipement qui tombera rapidement en désuétude), ainsi que notre environnement (puisque ces appareils sont rarement recyclés).

Et dire que l'art de Eboy est un pur produit de la technologie et n'existerait pas sans elle... Pour employer un terme philosophique, il symbolise à merveille le Zeitgeist de 2008!