Justice à Michel Dumont

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Il y a de ces réalisateurs qui sont élus grands chouchous du public cinéphile. De sorte qu’à chaque fois qu’ils présentent leur nouveau projet, c’est comme si le milieu du cinéma célébrait une fête assurément réussie d’avance. Évidemment que le Québec ne fait donc pas exception à cette habitude qu’entretient le monde du 7ième art. On pense alors très vite à quelques noms favoris, du genre Xavier Dolan ou Bernard Émond, tellement différents, mais admirés l’un autant que l’autre. Et bien sûr, personne n’oubliera le nom de Daniel Grou - alias Podz - lorsqu’il est temps d’énumérer les réalisateurs les plus respectés du Québec. C’est donc aujourd’hui qu’une nouvelle fête commence car ce dernier nous présente son nouveau-né, L’affaire Dumont.

Dossier largement scruté par les médias au cours des années 90, Podz a décidé de plonger dans cette histoire vraie qui a chamboulé la vie de gens alors bien ordinaires. Michel Dumont, livreur de dépanneur et père de deux jeunes enfants, est accusé et condamné pour une agression sexuelle qu’il nie avoir commis. Ce n’est que quelques années plus tard, après 34 mois de prison et des démarches laborieuses, entreprises par sa nouvelle épouse, pour prouver son innocence que justice lui donnera raison. Michel Dumont a été victime d’une erreur judiciaire et est officiellement reconnu non coupable en 1997.

En visionnant L’affaire Dumont, une question s’impose d’emblée. Est-ce que c’est l’histoire qui n’aurait su être aussi bien relatée au grand écran par nul autre ou si c’est Podz qui s’est approprié l’affaire avec le brio qu’on lui connaît? La réponse la plus juste serait peut-être un mélange des deux hypothèses, comme quoi l’histoire colle parfaitement à la signature unique du réalisateur et vice versa. Il va donc de soi que Podz ait donné à la réalisation un rôle principal dans son film. Les couleurs fades mais ô combien captivantes puis, un choix étudié des plans et clairement significatifs contribuent donc à appuyer l’essence même de l’histoire. Par ailleurs, le cinéaste s’est prêté à l’exercice de construire son film en ne suivant pas la chronologie des événements. Tâche ardue, mais ici brillamment appliquée car jamais le spectateur se perd entre les sauts temporels. Nous voilà ainsi, pour une fois de plus en ce qui concerne Podz, devant un savoir-faire dont très peu de cinéastes jouissent.

Maintenant, un film bien réalisé, c’est une chose, mais encore faut-il qu’il soit porté par des acteurs de haut niveau. Comme toujours, Podz a su s’entourer d’une équipe qui allait soutenir sa réalisation à sa juste valeur. D’abord, Marc-André Grondin habite le rôle de Michel Dumont avec une maturité qu’on ne lui a jamais vue auparavant. Loin du jeune garçon qu’il campait dans C.R.A.Z.Y., l’acteur est à peine reconnaissable en cet homme dominé par son destin. Il livre ici une de ses meilleures performances, pour ne pas dire, sa plus impressionnante. Marc-André Grondin nous propose un Michel Dumont toujours très sobre et introverti, mais dévoué à ses proches, qui sans aucun doute rend hommage au vrai personnage. À ses côtés, Marilyn Castonguay défend le rôle de Solange Tremblay, épouse de Michel Dumont, d’une manière admirable. Elle est excellente en mère monoparentale qui livre un combat téméraire à l’injustice que subit son mari. Fort à parier qu’on entendra de plus en plus parler de cette actrice présentement peu connue des projecteurs. Par ailleurs, Sarianne Cormier, qui campe l’ex-femme de Michel Dumont, livre une performance fidèle à son quotidien visiblement malheureux. On y croit donc haut la main à tous ces personnages que Podz nous présente en évitant le piège dangereux de la caricature.

Une vingtaine d’années plus tard, on sait que « L’affaire n’a jamais été résolue », comme indiqué à la fin du long métrage. Par contre, on sait aussi qu’un des réalisateurs les plus talentueux de notre milieu présente, dès aujourd’hui, une oeuvre qui rend humblement et honorablement justice à cette affaire.

Elle en vaut donc, sans hésiter, le déplacement.

Maude McConnell-Legault