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Lulla et Jessy se raccrochent à la musique depuis maintenant dix ans. Mère malade, père disparu, c’est sans famille qu’ils sillonnent le pays à la recherche de petits contrats qui leur permettent difficilement de survivre. Lulla garde pour elle les secrets d’un drame sans pareil, se faisant passer pour une femme forte, protectrice et autoritaire. De son côté, Jessy se réfugie dans l’alcool et les femmes, ne comprenant pas cette quête sans fin à laquelle sa sœur lui fait participer. À la suite d’une rencontre avec l’un de leurs plus grands admirateurs et d’un coup de fil dramatique, ils reviennent sur leurs pas pour plonger dans un passé lugubre…
Le Laboratoire, compagnie fondée par Eugénie Beaudry en 2008, en est à sa deuxième création. Dans Gunshot Lulla West (pars pas), la metteure en scène s’entoure d’Édith Arvisais (Lula), de Robin-Joël Cool (le frère Jessy), de Mathieu Lepage (le fan) et de Viviane Audet (l’aide soignante) pour retracer cette quête identitaire.
Les acteurs évoluent dans un décor composé en arrière-plan d’un petit cabanon en bois relié à une estrade, sans compter un parterre jonché de bières et de bouteilles d’alcool. L’atmosphère fait tout d’abord penser à une vieille taverne, un bar miteux où les chanteurs laissent libre cours à leurs émotions et leurs pulsions alcooliques. À l’aide d’un judicieux éclairage, celle-ci ne fait que noircir, menant les interprètes dans un trou sans fin alias leur passé.
Édith Arvisais et Robin-Joël Cool forment un duo sans pareil, menant le public à avoir peur des accès de colère du frère alcoolisé, jusqu’à souffrir en même temps que cette sœur rongée entre le sentiment d’assurance et de trouille. Même si leurs personnages sont loin d’être colorés, ils arrivent à insuffler un tant soit peu de variations, contrastant entre la scène initiale agressive et la scène finale empreinte de douceur et d’espoir. Le pari n’était pas simple, mais la tache est relevée avec brio!
Viviane Audet est elle aussi très convaincante dans ce rôle d’aide soignante qui se laisse aveugler par son idéal de vie pour en finir tragiquement aveuglée. La déception vient du côté de Mathieu Lepage. De son rôle, on ne retient que celui du fan naïf qui ferait tout pour accompagner ses deux idoles. Pourtant, son personnage est sûrement l’un des plus contrastés de cette sombre histoire. On ne ressent rien de ce côté manipulateur, de cette manière de se laisser aller alors que tout est en contrôle. Pourtant, c’était une chance inespérée pour apporter de nouvelles émotions à cette création plutôt monochrome.
Pour ce qui est de la mise en scène, Eugénie Beaudry réalise un très beau travail dans la succession des tableaux et l’évolution de l’histoire. Les détails d’un passé troublant apparaissent par bribes et l’audience ne découvre qu’à la toute fin les fils de cette tragédie. Le début de la pièce est limpide et plus on avance dans le temps, plus on s’y perd. Déstabilisant, on ne peut décrocher son regard de la scène pour en savoir plus.
Même si la pièce n’amène pas à se questionner sur les relations humaines que l’on entretient, cette part de vrai et de faux dictée dans chacune de nos paroles, Gunshot de Lulla West est une belle création, épeurante, amusante et passionnante à la fois.
Au Théâtre Prospero jusqu’au 31 avril – durée d’environ 1 h 20.
Mise en scène : Eugénie Beaudry
Assistance à la mise en scène : Martine Richard
Interprètes : Robin-Joël Cool, Édith Arvisais, Viviane Audet et Mathieu Lepage
Lumières : Alexandre Pilon-Guay
Conception musicale : Olivier Picard-Borduas
Collaboration à la musique :Viviane Audet
Crédit photo : Alexandre Pilon-Guay.