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Humoriste, comédien, scripteur, réalisateur, auteur; Ghislain Taschereau porte une multitude de chapeaux depuis le début de sa carrière et s'en réjouit. Celui qui se plaît à se décrire tout simplement comme un «individu» et qui est revenu l'an dernier à l'écriture - en lançant le roman «Tag» après 13 ans d'absence – est aujourd'hui de retour avec «Étoiles tombantes», un roman sombre aux thèmes résolument contemporains.
Ghislain Taschereau est déjà à l'écriture d'un nouveau roman. Celui qui vient à peine de lancer son petit dernier, «Étoiles tombantes», avoue avoir entamé sa prochaine œuvre qui traitera du thème de la folie.
«J'aime travailler avec des thèmes. Dans «Tag», mon dernier roman, il y avait celui de l'argent, du pouvoir démesuré de l'argent. Avec «Étoiles tombantes», c'est le thème du culte de l'image que j'ai voulu exploiter. L'image, le narcissisme grimpant, l'exhibitionnisme et le voyeurisme reliés à cette image qui est si importante dans vos vies aujourd'hui», explique-t-il.
«Mon prochain roman portera sur la folie et l'impunité que promulgue la folie. La folie peut prendre plusieurs formes, par exemple la folie de quelqu'un qui vient au monde avec une déficience mentale, la folie de ceux qui demeurent des enfants dans leur tête toute leur vie... Je vais jouer là-dessus, sur le monde de la folie, car parfois, ceux qui se prétendent sains d'esprit ne le sont pas nécessairement. On est peut-être tous le fou de quelqu'un.»
«Étoiles tombantes» porte aussi son petit éclat de folie: celui d'un désespéré qui se servira du Web pour annoncer son suicide prochain.
«J'ai eu l'idée de ce type qui annonce son suicide sur Internet, qui révèle qu'il va s'enlever la vie dans sept jours et qui dit «Si vous trouvez que ce n'est pas une bonne idée, vous avez sept jours pour me convaincre de renoncer à mon projet». Je me disais que ce genre d'annonce était très narcissique au fond, un grand besoin d'attirer l'attention.»
«Mon personnage est un gars qui aime beaucoup qu'on s'intéresse à lui, qui se prend un peu comme le Jésus de la philosophie, poursuit-il. Il prétend que son sacrifice va enfin faire la lumière sur la valeur absolue de la vie. Je me suis dit, à l'ère d'Internet où on peut tous communiquer en même temps, que ce serait plausible que quelqu'un fasse un appel à tous de la sorte. Et puis, l'attention démesurée qu'on donne à l'image n'appelle pas à la réflexion. Elle incite plutôt à du va-vite. J'ai voulu jouer là-dessus.»
Un personnage principal âgé de 50 ans, à l'instar des héros en plein questionnement des plus récents romans des Patrick Senécal et Stéphane Dompierre. «Je me disais que c'était possible qu'un gars de cet âge fasse une déclaration de la sorte», affirme l'auteur qui trouve aussi sa place dans cette tranche d'âge.
L'idée de départ de ce roman n'est pourtant pas née d'hier. Il y a une dizaine d'années, Ghislain Taschereau avait proposé un concept de téléréalité qui aurait pu être intitulé «Espion» et qui fonctionnait de la façon suivante: «Je te rencontre sur la rue et je te dis que je vais te donner 5 000 $ en échange de la permission de te filmer à ton insu, n'importe quand, au cours des 6 prochains mois. Les gens qui te filment devenant alors des espions amateurs qui, un peu à la manière de la défunte «Course autour du monde» version-espion, auraient ensuite à livrer un reportage par semaine sur la cible qui lui a été assignée.»
«Je trouvais déjà, il y a dix ans, qu'on plongeait dans une ère d'exhibitionnisme et de voyeurisme. Ce projet se retrouve dans mon roman, car je trouvais que cela cadrait parfaitement bien dans mon histoire. Ça aide à créer une intrigue autour de notre ami suicidaire qui envoie ses vidéos sur Internet d'on ne sait d'où.»
Ils sont cinq espions donc et cinq cibles à suivre à travers le roman. «En publiant ses vidéos sur Internet, le suicidaire va se rendre compte que ce n'est pas à cet endroit que règne le plus de compassion sur la planète. Au lieu d'attirer la compassion, il va plutôt attirer l'attention d'un désaxé désespéré qui verra en lui un élément qui lui manque afin de compléter un rite sacrificiel qu'il est en train de préparer.»
Tout cela autour du thème de la démesure du culte de l'image et des conséquences du fait de ne s'arrêter qu'à l'image.
Et le culte de l'image de l'artiste dans tout cela? «Alors là, il y aurait matière à écrire un autre roman au grand complet!»
Un humoriste qui écrit des romans sombres, comment est-ce possible, ai-je demandé à Ghislain Taschereau entre deux blagues (de sa part, évidemment)?
«Le dénominateur commun de tous les humoristes est, selon moi, une grande sensibilité. Ainsi, ton imaginaire et les images que tu utilises pour faire rire peuvent aussi bien être utilisés pour effrayer, captiver et même menotter ton lecteur tout au long du roman. De l'auteur le plus fleur bleue à celui le plus horrifiant, c'est la sensibilité qui est le grand dénominateur commun. La preuve, lorsque j'écris, je me fâche et m'emporte moi-même.»
Copain avec Patrick Senécal, cet auteur d'horreur reconnu pour être un homme plein de vie et d'humour dans la vie de tous les jours, Ghislain Taschereau affirme: «On a tous une part de noirceur en nous. Le fait de faire la fête et d'avoir envie de rire est assurément un exutoire. Lorsque je croise Patrick Senécal dans un salon du livre, une niaiserie n'attend pas l'autre. Par contre, je sais que si je le lis, je retrouverai une réflexion sur le malheur et le désespoir humain.»
«Je pense qu'on est dans une ère très désespérée où il y a une impuissance latente, ajoute-t-il. Les gens sont bombardés tous les jours de tellement de mauvaises nouvelles. Jamais l'être humain n'a été si près d'une autodestruction totale. Je me verrais bien écrire un roman post-apocalyptique dans un futur assez rapproché.»
Et des livres plus joyeux? Le père de Bob Binette assure qu'il y en aura aussi à venir.
-Le livre «Étoiles tombantes» est disponible en librairie dès maintenant.
Pour tout savoir sur Ghislain Taschereau: http://www.ghislaintaschereau.com/