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Après avoir sorti un premier EP de reprises en 2019, Julien Manaud prévoit revenir en force en 2021 avec un second album, Adaptation volume 2. En attendant cette sortie, l’artiste nous livre son cover de la pièce Save Me From Myself de Radiant Baby, une version plus intime, douce et mélancolique de l’originale.
La pièce originale de Radiant Baby est à la base plutôt dance et pop tandis que la version de Julien Manaud est revisitée d’une façon plus émouvante, plus nostalgique. L’artiste raconte d’ailleurs sa première impression lorsqu’il a eu vent de la pièce :
Ce titre m’a frappé par sa dicotomie, un son 80s dance qui accompagne ce message désespéré, Sauve-moi de moi-même, qui fonctionne parfaitement avec la ligne d’accords choisis, rempli d’une grande mélancolie.
— Julien Manaud, gérant et directeur artistique du label Lisbon Lux Record
Après avoir enregistré des reprises en français dans son premier EP, Julien Manaud a décidé pour ce second album de revisiter quatre pièces en anglais. En compagnie d’Alexis Dumais au piano, Julien Manaud nous propose des versions plus intimistes et personnelles des pièces de Radiant Baby, Das Mörtal, Kid Francescoli (en duo avec Laurence G-Do de Le Couleur) ou encore HWYS.
Non. En fait, le concept global des EP Adaptations, c’est des reprises du catalogue Lisbon que je gère. Moi je suis propriétaire du label Lisbon Lux donc je suis gérant et j’ai créé le label il y a sept ans. Je travaille avec une liste d’artistes et quand j’ai eu cette idée de faire des covers moi-même, j’avais commencé avec des chansons du répertoire francophone. Chez Lisbon Lux, on a des artistes franco, des artistes anglo, de la musique électronique, instrumentale. Donc en fait, quand j’ai commencé à vouloir faire des covers des artistes avec qui je travaille, dans ma tête c’était clair qu’il y aurait un peu des deux répertoires. Il y avait autant du Le Couleur, du Paupière que du Radiant Baby ou d’autres artistes avec qui j’ai travaillé. La séparation entre les langues, c’est juste que je trouvais que c’était un concept : le volume un, c’était des chansons en français, volume 2, c’était des chansons en anglais, mais ça reste que c’est quand même la même proximité au niveau des covers, c’est des artistes avec qui je travaille en fait.
Oui. Après pour moi, étant Français d’origine, l’anglais était un poil plus difficile parce que je parle anglais, mais avec un accent. Donc, c’est aussi un autre territoire à aller exploiter parce que le français c’est sûr que c’est ma langue natale, mais c’est des chansons que j’aime aussi en anglais. C’était un peu un défi aussi. Pour moi, c’était « est-ce que je suis capable de rendre quelque chose avec qualité et émotion en anglais? » J’assume que le EP a un accent, mais je voulais quand même que ce soit bien compréhensible. D’ailleurs, l’ingénieur du son avec qui je travaillais était anglophone donc, des fois, je lui demandais des conseils. Je lui disais : « si t’entends quelque chose qui te paraît pas clair dans la manière dont je chante, hésite pas à me le dire. Je veux vraiment que ce soit limpide pour un anglophone, même s’il a tout de suite conscience que c’est pas ma première langue ». C’était vraiment cette vision de « J’assume, c’est moi Julien, je suis Français d’origine, j’habite à Montréal et je chante des chansons en anglais ».
Ça fait partie de mon boulot de directeur artistique. Quand je reçois des démos, les artistes nous envoient des trucs qui sont pas finis et après, quand tu vas dans la production et dans la finition d’un morceau, tu choisis une direction. Tu choisis que ce soit dance ou acoustique ou folk, mais en fait, souvent, la racine – le squelette de la chanson – est envisageable de plusieurs manières. Quand j’ai reçu cette chanson de Radiant Baby, je me souviens très bien que malgré l’habillage pop un peu bonbon, je m’étais dit « Wow, c’est touchant quand même. Il y a une émotion, on sent que c’est une chanson triste, que le gars l’a écrit un soir où ça allait pas bien ». Moi je pianote pis j’ai commencé le projet en pianotant à la maison, mais je voulais quelque chose d’un peu plus poussé parce que toutes mes chansons auraient sonné un peu pareil au piano. Donc, j’ai été chercher un pianiste (Alexis Dumais) qui a plus de technique. Il est super bon. Quand il m’a fait les premières notes de Save Me From Myself, il m’a dit « j’ai une idée de réarrangement » et j’ai dit « Oh là là, t’es vraiment aller chercher l’essence du morceau ». L’émotion qui ressort de la composition m’a juste confirmé que c’était une bonne toune parce que je me suis dit « on s’en va complètement ailleurs et c’est quand même encore très solide ». D’ailleurs, même l’artiste quand il a reçu ma version, il a dit « Wow! Ça me donne le goût de la réenregistrer ». C’est souvent comme ça la musique. C’est comme une peinture; tu ne la referas jamais deux fois pareil. On pourrait faire une version bossanova de Save Me From Myself et ce sera sûrement bon.
C’est intéressant parce que moi, avant d’être patron de label, j’étais dans le groupe Chinatown et j’étais pas le premier compositeur en fait. C’était Félix Dyotte et un autre chanteur Pierre-Alain Faucon. Toute ma carrière musicale, j’ai fait partie du groupe en tant arrangeur, producteur. Je joue pas mal d’instruments et tout, mais c’est vrai que la composition pure j’en ai fait assez peu. J’ai quelques chansons par-ci par-là, mais en fait, si je devais me lancer dans un projet de composition, je pense que ça serait pas du tout ça en fait. Pas de la chanson. À la base, je ne suis pas auteur.
C’est pour ça aussi que j’ai fait des covers parce que je trouve qu’il y a des gens qui écrivent bien. La chanson de Paupière Kirchner je trouve ça super sur le premier EP. Je trouve qu’ils ont vraiment une plume. Ça aussi c’est un groupe qui a une sonorité un peu synthé 80, mais qui, derrière, a écrit des choses très fortes et je serais curieux d’entendre Paupière en orchestrale parce que c’est vraiment des belles chansons.
De mon côté, mon prochain fantasme, c’est de faire un album instrumental et ce serait un truc très différent, planant avec pas mal d’arrangements. L’adaptation pour moi c’était un peu un défi de faire des œuvres dénudées parce qu’en fait, moi, j’ai tendance à en mettre des couches. Si tu me laisses une soirée faire un morceau, je vais mettre des violons, une basse, un solo de guitare. Je suis quelqu’un qui a l’arrangement facile dans la tête et ça, c’était un vrai défi parce que je voulais tout le temps rajouter des voix et je revenais en arrière. Je veux vraiment faire un disque piano chant. La source quoi. Ç’a été presque un challenge que je voulais relever de me dire « Ah, j’ai sorti un disque comme ça » parce que je sais que j’ai une tendance à aller plus plus que moins moins. Même Alexis, le pianiste, il voulait faire des overdub. Genre « Ouais, je pourrais rajouter un piano et tu pourrais faire des chœurs » et je lui ai dit « Tu sais quoi, non! » Il y a un peu de reverb, mais c’est tout. Il y a des gens comme Patrick Watson qui vont chercher des sonorités dans une pièce – tu vas entendre les craquements du plancher. Il y a une recherche d’un univers, de momentum. Moi, à l’inverse, je voulais un truc super intemporel. Ce disque-là, je voulais pas qu’il soit marqué dans le temps. Je me dis, une œuvre piano chant, ça traverse le temps. C’est tout le temps pareil.
Moi qui écoute beaucoup de musique électronique (j’ai vraiment un univers assez large). Ça m’a fait du bien de faire une œuvre comme ça. Intemporelle. Un truc que mes parents aiment, que ma petite fille aime. Il n’y a pas justement cette marque de l’arrangement. C’est souvent l’arrangement qui fait que « Ah, tu sonnes comme Mac DeMarco, tu sonnes comme Daft Punk ». Ça vient des arrangements, mais quand t’as un truc aussi dénudé, tu vas chercher un peu tout le monde avec ça.
C’est ça. Pis moi, je me sentais pas chanteur avant ça. J’ai toujours chanté juste. Il y a des chanteurs qui chantent pas juste, mais qui sont des vrais bons chanteurs parce qu’ils dégagent quelque chose; ils ont une âme et tout ça. Moi, c’est l’inverse, je suis un peu un chanteur choral. Je chante juste, mais je sais pas s’il y a beaucoup de personnalité là-dedans.
Dans le projet, je me souviens au début j’essayais un peu plus d’attitude, d'y mette un peu plus d’émotions pis je me reconnaissais pas. Je trouvais ça un peu surjoué – moi je suis pas un acteur de théâtre – et je me disais, c’est pas que c’est mauvais, mais ça ne me ressemblait pas. En fait, j’en suis revenu à une manière chantée qui est beaucoup plus confession. Ça aurait pu s’appeler « Confession » le projet. C’est un peu comme : je te chante une chanson sur l’oreiller. Il y a un peu ce côté « Tu es avec moi pendant trois minutes », mais je ne suis pas Jacques Brel. Je ne vais pas y mettre une espèce d’émotion qui traverse une salle complète, un opéra. Au contraire, c’est quelque chose d’assez intime.
Un peu comme le premier EP, il n’y a pas de show. C’était pas tant mon objectif avec ce disque. Même Alexis, c’est quelqu’un de très occupé. Quand je l’ai approché, il m’a dit « Je ne pourrai pas faire de show, je te le dis tout de suite ». Je lui ai dit que c’était pas tant mon objectif et, à moins qu’il y aurait eu une demande crazy, peut-être qu’on aurait fait des shows, mais c’était pas le cas. Mais en fait, je voulais marquer ça en enregistrement parce que c’était une période de ma vie où j’ai eu ma première fille et c’était un peu un espace, un moment où je sortais de ma bulle familiale pour aller triper avec un pianiste et ça m’a fait du bien.
Il y a un vidéo qui va sortir, un genre de live de Save Me From Myself. Peut-être qu’il y aura un autre vidéo sur le EP. Mais les shows, c’était pas forcément dans les plans, peut-être parce que j’ai une certaine pudeur là-dedans. Le studio, c’est un environnement contrôlé, mais je ne sais pas si je suis prêt à me mettre à nu comme ça, live. Et aussi, à cause de mon travail, je suis très occupé par le reste. Je ne m’occupe pas si bien de mon projet entre guillemets. Le cordonnier mal chaussé un peu! Le EP, il a été enregistré quand même l’an dernier donc, en ce moment, je n’ai pas tant la tête dedans. Mon quotidien, c’est clairement de m’occuper des sorties Lisbon Lux de l’année prochaine.
Quand je suis arrivé à Québec, c’était en 2006 et c’est marrant parce qu’après six mois, c’est ces gars-là que j’ai croisés et ils sont devenus à la fois mes meilleurs chums et mon band. On a fait les 400 coups. On est vraiment proches parce qu’on a vécu pleins de trucs, on est partis en tournée en Chine ensemble, en Europe. Ça a été une belle aventure quoi. Quand je suis arrivé de la France, j’arrivais d’une époque, d’une génération où on écoutait assez peu de musique francophone et quand je suis arrivé au Québec, j’ai vraiment découvert la scène un peu plus indie francophone qui n’existait pas vraiment en France à l’époque (Malajube, Karkwa et compagnie).
Avec Chinatown qui avait des belles chansons en français, mais c’était pas de la variété, je me suis dit « Ah ouais, ça se fait de chanter en français pis que ce soit cool et que ça s’adresse aux jeunes » alors qu’en France, c’était vraiment catégorisé musique à grand-mère. Et donc, ça m’a décomplexé sur la chanson française, c’est clair et pis d’ailleurs, ça m’a influencé aussi dans Lisbon Lux parce que c’est comme ça après que je me suis intéressé à Le Couleur, à Paupière, à Bronswick – à des groupes locaux qui chantent en français et qui font un peu de la musique alternative. Donc, oui, c’est sûr qu’il y a une marque. Après, musicalement, je pense que aujourd’hui, c’est surtout Félix qui continue et les autres membres sont partis dans d’autres domaines. Je crois pas qu’on s’influence encore aujourd’hui, mais par contre, moi, c’est vrai que mon aventure avec Chinatown a eu beaucoup d’impact sur ma vie québécoise parce que c’est là que j’ai découvert l’industrie de la musique québécoise, c’est là que j’ai lancé mon label avec des contacts que je m’étais faits grâce à Chinatown. Ça a été quand même une rampe de lancement pour ma vie d’après quoi.
Oui, c’est le moins qu’on puisse dire. Moi je suis arrivé ici avec un sac à dos et une guitare et je connaissais deux personnes. Aujourd’hui, j’ai du staff, je gère une maison de disque. C’est cool, le bilan après 15 ans. En fait, moi la ville m’a adopté et j’ai adopté la ville. Tout ce qui m’est arrivé ici musicalement a été des belles expériences et je me permets des trucs. Ce disque, c’est un peu un défi à moi-même : est-ce que je suis capable d’aller en studio avec un pianiste solo pis de chanter. Je suis content du résultat et si ça trouve des fans, je serais ravi!
Se définissant comme cinéaste de la musique, Julien Manaud est à la fois compositeur, musicien interprète, mais aussi technicien de son, producteur, éditeur, gérant. En 2007, il s’est fait connaître comme guitariste dans le groupe Chinatown. Il a poursuivi sa carrière de compositeur de musique notamment pour la publicité, les jeux vidéo et les émissions à la télévision.
Souhaitant revenir à la source de sa carrière, Julien Manaud se remet à la création d’albums. En 2019, il sort notamment son premier EP de reprises Adaptation volume 1 (dans lequel il reprend des pièces des artistes Le Couleur, Das Mörtal, Paupière et Bronswick). Il prévoit la sortie de son second album Adaptation volume 2 pour 2021.
Pour en savoir plus sur Julien Manaud, rendez-vous ici : https://lisbonluxrecords.com/julien-manaud.