« Édouard et Charlotte », lui la proie, elle l’appât…

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Le Théâtre des Tuyaux Humains présente à l’Espace 4001 sa première création originale : Édouard et Charlotte. Cette pièce d’Anne Trudel et de Pierre-Luc Léveillé, mettant en scène trois acteurs de talents dirigés par Christian Fortin, n’a rien de très banal.

Tout d’abord, l’histoire : « Suzanne et Charlotte sont des jumelles identiques. Évidemment, seule la première-née, Suzanne, fût dotée d’intelligence. Indissociables et mésadaptées, elles orchestrent un trafic de matière grise, qu’elles siphonnent aux hommes barbus, pour en injecter une partie à la plus faible d’entre elles ». Suzanne parle anglais. Charlotte en rêve, mais n’a pas les « capacités ». Jusqu’au jour où, pour leur 252e siphonnage, elles font la rencontre d’Édouard, détective – facteur – gardien de la bibliothèque. Celui-ci arrivera-t-il à faire découvrir la langue de Shakespeare à Charlotte?

Ensuite, l’interprétation des trois acteurs : il y a Suzanne, la grande Suzanne, celle qui bafouille des mots d’anglais pour impressionner sa sœur. Celle aussi qui la manipule pour pouvoir manger de la soupe de veau et qui se venge sur les hommes à barbe par amour du père qu’elle a tué à la naissance. Dans ce rôle, une Julie Roussel bipolaire, tantôt forte, tantôt craintive, aux tirades complexes qui embrouillent sa sœur jumelle identique : Charlotte. Cette dernière, interprétée par Anne Trudel, est un petit bijou de personnage. En constante évolution tout au long des 85 minutes de cette pièce, Charlotte passe d’une jeune fille timide, soumise et ignorante, à une femme qui veut découvrir la vie et manger les fruits du bonheur. Anne Trudel colle à ce rôle, lui donne vie sans accroche ni bévue, hilarante et touchante à la fois. Finalement, il y a Édouard, interprété par Pierre-Luc Léveillé, élément perturbateur de cet équilibre fragile. Totalement dévergondé, il se camoufle dans des rôles pervers, tendant une nectarine par ci, tirant la langue par là avec des mouvements que même le pire des « french-kisser » aurait du mal à reproduire, et déversant dans un torrent de mots des paroles en anglais dont lui seul a le secret. Pas de doute, l’interprétation, tout comme l’histoire, est absurde à souhait.

Enfin, la démarche de création d’Anne Trudel : en 2010, le laboratoire Édouard et Charlotte a remporté le prix Chapters du meilleur texte francophone au Festival St-Ambroise Fringe de Montréal. L’auteure raconte qu’à travers l’écriture d’un texte absurde et ludique, où l’exercice de style était très important, elle a à son insu parlé de ses inquiétudes sociales et relationnelles. Une thérapie écrite qui se transmet à travers un texte qui baigne dans de la soupe de veau. Même si certaines longueurs se font ressentir dans cette création d’une heure et demie, les mots et l’interprétation des acteurs ont le dessus. Brillant!

Beaucoup de plaisir. Beaucoup d’absurdité. Avis aux amateurs d’un théâtre d’un autre genre, qui veulent découvrir les limites de leur humour.

« Édouard et Charlotte », présentée jusqu’au 28 avril à l’Espace 4001 (4001, rue Berri).

Billeterie : 514 529-5806