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Toujours savoureux ce moment où, à la fin d’un film, tu réalises que tu viens d’en voir un particulier. Particulier, dans le genre qu’il se démarque haut la main de ses pairs, pour mille et une excellentes raisons. Un film de la cour des grands, quoi. Encore plus inhabituel que ce dernier soit porté, entre autres, par de jeunes acteurs en tête d’affiche. Car, on l’avouera, ils se font rares ces jeunes en mesure d’assumer avec brio le poids d’un film. Sur ce, Avant que mon coeur bascule nous présente toutes ces qualités qui le mèneront, sans aucun doutes, vers les applaudissements.
Sarah, 16 ans, est une adolescente rebelle qui vit en marge de la société avec son amoureux et le père de celui-ci. Elle détrousse quotidiennement les bonnes gens ayant le malheur de la prendre en auto-stop jusqu’au jour où elle provoque involontairement la mort d’un homme. C’est alors que son coeur bascule. Au lieu de fuir l’incident, Sarah décide de retrouver Françoise, la veuve de la victime. En naîtra une amitié fragile.
Sébastien Rose nous propose ici une réflexion intense sur un moment déterminant de notre vie, soit le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Son personnage principal est au coeur de cette période et la vit non sans repos. Conséquence de l’accident, Sarah prend maintenant conscience de l’impact que ses gestes peuvent avoir sur autrui. De l’égocentrisme à l’altruisme, elle devient davantage soucieuse que rebelle.
Parmi les 150 jeunes filles qui ont passé l’audition, c’est Clémence Dufresne-Deslières qui a retenu l’attention de Sébastien Rose. En la regardant camper le rôle de Sarah avec tant de fougue et de rage intérieures, on comprend très vite pourquoi le réalisateur ne tarit pas d’éloges à son égard. Elle rappelle les intenses et vulnérables Josh dans Tout est parfait et Jonathan dans Jo pour Jonathan. Munie d’un naturel incontestable, fort à parier qu’on la reverra bientôt cette jeune talentueuse, que ce soit dans de prochains films ou même au gala des Jutra pour son rôle de Sarah. À ses côtés, Sophie Lorain habite le personnage de Françoise, un rôle écrit exprès pour elle. Ce n’est pas peu dire qu’elle effectue ici un retour en force au grand écran. L’actrice réussit à rendre la détresse d’une Françoise atterrée par la mort de son mari tout en exprimant la force de caractère de cette femme. Par ailleurs, il est de mise de souligner les performances toujours très justes d’Étienne Laforge en amoureux de Sarah et de Sébastien Ricard en père désabusé, violent et répugnant.
Côté réalisation, Sébastien Rose (Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause, La vie avec mon père, Le Banquet) livre son meilleur film jusqu’à ce jour. Avec un paysage style «nature morte» et une histoire de peu de mots mais si puissante, le cinéaste affiche une maturité dont très peu peuvent se vanter. Avec les réapparitions de la victime dans le quotidien de Sarah, le procédé fait penser à celui que Podz, entre autres, utilise fréquemment, mais Sébastien Rose maintient constamment sa propre signature en le réalisant à sa manière.
On assiste donc à du grand cinéma d’ici avec Avant que mon coeur bascule. Profitons-en, le film prend l’affiche dès aujourd’hui.
Maude McConnell-Legault